Comment donner vie à une œuvre au théâtre ? Jean-Luc Giorno vous raconte tout autour de la pièce "Le Bouquiniste Mendel", à retrouver à La Folie Théâtre à la rentrée
Comment donner vie à une œuvre au théâtre ? Jean-Luc Giorno vous raconte tout autour de la pièce "Le Bouquiniste Mendel", à retrouver à La Folie Théâtre à la rentrée
Comment imaginer une pièce de théâtre ? Comment un projet de A à Z prend-il vie sur scène ? Jean-Luc Giorno, ex-pédiatre devenu comédien, partage son parcours unique d’adaptation. À travers son expérience avec “Le bouquiniste Mendel”, pièce jouée au Théâtre À la Folie (Paris) de septembre à novembre 2025, il livre ses conseils aux artistes qui souhaitent créer, s’amuser sur scène et saisir les opportunités de casting pour donner vie à leurs projets.
Ex-pédiatre devenu comédien… Quelle reconversion professionnelle ! Avez-vous toujours senti la fibre artistique en vous ?
La « fibre artistique » comme vous l’appelez date de mon enfance, du bonheur de chanter. J’ai grandi entouré des maîtres de mon époque : Brel, Barbara, Aznavour, Ferré, Béart, Ferrat et… Georges Brassens. Ce dernier fut pour moi comme un second père et c’est pour pouvoir le chanter que, vers l’âge de 15 ans, j’ai appris à jouer de la guitare. De ce fait, j'ai aussi pu chanter tout le répertoire de l’époque aussi bien dans ma famille que devant les copains. Cet amour pour Brassens ne s’est jamais démenti au point de faire de cette histoire d’amour un spectacle « Georges et moi, d’affectueuses révérences » que j’ai fait tourner pendant 10 ans, de 2005 à 2015, dont un Festival d’Avignon off en 2012. J’ai enchaîné avec un autre spectacle sur Serge Reggiani et un dernier autour de Claude Nougaro. Le théâtre, à proprement parler, est venu se greffer sur ce parcours il y a environ 25 ans.
C’est justement ce parcours en pédiatrie et une rencontre avec votre maître qui vous ont donné l’envie d’adapter cette œuvre de Stefan Zweig. Racontez-nous la genèse de la pièce “Le bouquiniste Mendel”.
En 2016, j’ai eu le bonheur de croiser la nouvelle d’Herman Melville « Bartleby ». Je connaissais, comme beaucoup, Moby Dick du même auteur mais pas cette nouvelle. Dès la première lecture, j’ai eu envie d’en tenter l’adaptation et mon compagnon de route et metteur en scène, Yves Patrick Grima, me conseilla d’en faire un seul en scène et d’incarner les différents personnages. Nous avons joué cette adaptation plus d’une centaine de fois (Avignon 2018, La Folie Théâtre, Le Théâtre du Gymnase et l’Essaïon). Aussi, je fus tenté de reprendre la même aventure. Mes recherches m’ont amené à cette nouvelle de Stefan Zweig, du fait de l’écho qu’elle rencontrait chez moi à travers ce personnage hors du commun qui fut mon patron et mon maître en pédiatrie, Roger Perelman. Alors bien sûr, comment effectuer la transformation ? Après des tentatives multiples et variées, il nous a semblé que pour éviter l’écueil des textes dits, à savoir le risque de perdre le spectateur, nous devions abandonner l’imparfait et le passé simple pour n’utiliser pratiquement que le présent et faire en sorte que la nouvelle se déroule sous les yeux des spectateurs sans pour autant abandonner la prodigieuse langue de Stefan Zweig. De ce fait, nous avons été amenés, parfois pour seulement quelques répliques, à me faire incarner pas moins de 13 personnages et à donner vie à un deuxième personnage que je vous laisserai le plaisir de découvrir… Nous avons misé sur le dépouillement de l’espace scénique pour mettre en exergue la qualité de la narration, la composition des personnages et le vécu des situations. Nous avons pu jouer cette adaptation, avec grand succès, au Théâtre de l’Âne Vert à Fontainebleau, ce qui nous a incité à « monter » à Paris et à proposer cette adaptation au directeur de La Folie Théâtre, qui l’a acceptée.
Transformer une nouvelle en pièce de théâtre… Quel défi ! Parlez-nous du processus créatif partagé avec le metteur en scène Yves Patrick Grima. Qu’est-ce qui est le plus difficile : créer sa propre œuvre ou en réadapter une ?
En ce qui me concerne, il est évident que la création est la chose la plus difficile qui soit. Toute ma vie, j’ai été rempli d’admiration devant les écrivains, scénaristes, auteurs-compositeurs et autres créateurs. Ma création à moi, c’est l’interprétation, c’est ma façon d’être sur scène, je redis ce mot, d’ÊTRE sur scène, Être ce que je suis au moment M, à l’instant T, ce qui n’est rien moins qu’évident !! Donc, pour répondre à la question, la réadaptation est, pour moi, un travail moins difficile.
N’importe qui peut-il réadapter une œuvre à sa guise ? Comment cela se passe-t-il pour les comédiens qui ont aimé une œuvre, un film, un roman, et souhaitent le transformer en pièce de théâtre ?
Bien sûr que n’importe qui peut se lancer dans l’adaptation théâtrale, les exemples ne manquent pas. Après, c’est au metteur en scène de savoir ce qu’il veut privilégier de l’aspect de l’œuvre et là, tout est permis.
Trois mots pour décrire la pièce ?
Trois mots pour décrire la pièce… Dur ! Un trajet, grâce à ce prodigieux personnage, dans l’histoire du monde. Trajet qui ne manque pas de nous faire réfléchir sur les terribles répétitions de cette histoire. Alors trois mots : Dépouillement, Imaginaire, Réflexion.
Revenons sur votre carrière de comédien. Votre meilleur conseil pour les membres de Casting.fr ?
J’ai eu cette prodigieuse chance de pouvoir exercer simultanément pendant 25 ans ces deux métiers, pédiatre et comédien, et de ce fait je n’avais pas besoin du théâtre pour subvenir à mes besoins. J’ai fait toute ma carrière avec trois troupes et il y avait toujours du travail pour moi, donc je n’ai jamais eu à affronter l’épreuve du casting, mais je dirais, si j’avais à le faire, que j’essaierais de ne pas jouer, j’essaierais de m’amuser. Ce concept de s’amuser sur scène, je l’ai fait mien petit à petit. Au début, quand mon metteur en scène me disait : « Amuse-toi bien », alors que j’étais mort de trac, je ne comprenais pas trop, surtout si mon personnage était tragique… Je crois que maintenant je m’amuse sur scène, et c’est le conseil que je donnerais : AMUSEZ-VOUS !
Pour découvrir la revisite théâtrale de Jean-Luc Giorno “Le bouquiniste Mendel”, mis en scène par Yves Patrick Grima, rendez-vous à La Folie Théâtre tous les vendredis et samedis à 19h30 du 5 septembre au 29 novembre.